Les francophones se souviennent et rappellent leurs revendications

Il y a trois ans que l’événement n’avait plus eu lieu, pour cause de pandémie: la 45eme Fête du Peuple fouronnais s’est déroulée ce samedi dans un Centre sportif et culturel de Fouron-Saint-Martin archi-comble.

C’était l’occasion de rappeler le soixantième anniversaire du transfert forcé des six villages de l’entité fouronnaise de la province de Liège à celle du Limbourg. «Une annexion» a dénoncé José Happart, président de l’Action fouronnaise, dans son discours inaugural, et seule intervention politique de la soirée.

Nico Droeven en «Monsieur Loyal» de la Fête

Car cette Fête a pris un tournant cette année. Plutôt qu’une série de discours politiques, plus ou moins écoutés poliment, la soirée avait pris la forme d’une évocation historique et musicale de ces six décennies, imaginée par Nico Droeven, ancien bourgmestre et ancien président du CPAS de Fourons.

En fait de représentants politiques, soit dit au passage, seul Frédéric Daerden (PS), ministre du Budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles, était présent à la soirée. Le ministre-président du même gouvernement, le hervien Pierre-Yves Jeholet (MR), s’était désisté, quelques heures avant le début de la Fête.

Nico Droeven n’a rien omis dans son survol historique, entamé avant même le «clichage» de la frontière linguistique, en 1962. Le Centre Harmel, qui avait préparé l’opération dans les années 1950, avait envisagé pour les six villages fouronnais un statut bilingue, après consultation des autorités locales, a-t-il rappelé. On sait ce qu’il en est advenu.

Puis vient le projet de loi Gilson, fixant la frontière linguistique. Avec un troc entre les villages à majorité socialiste de la vallée du Geer contre les villages fouronnais à majorité sociale-chrétienne, comme l’a dit José Happart dans son discours introductif? La thèse est contestée…

Le ministre Gilson se verra vilipender dans les Fourons, avec une Marseillaise particulière, chantée sur place ce samedi.

Car le récit de Nico Droeven, dénonçant la «défrancisation» continue des Fourons, était entrecoupé de nombreuses interventions musicales, de grande qualité, de quelque soixante musiciens, de l’Harmonie Saint-Martin et des harmonies de Teuven-Remersdael réunies, dirigées alternativement par les deux chefs de musique.

Le message politique, qui a rappelé les manifestations violentes des milices privées flamingantes du début des années 1980, le «carrousel fouronnais» destiné à priver José Happart du mayorat et qui a fait tomber un gouvernement Martens, ou le changement de majorité avec l’aide active des Néerlandais en l’an 2000, n’a ainsi pas versé dans la complainte, avec un survol des succès des années 1960 à aujourdhui. Avec Jacques Brel pour lancer la série, puis notamment Yves Montand, Hervé Vilard, France Gall, ou Serge Lama, et… daft Punk pour terminer. Sans oublier les percussions appréciées des jeunes.

Après les bourgmestres et militants des années 1960; après les «jeunes loups» du début des années 1980, dont les cheveux ont blanchi; une troisième génération prend aujourd’hui le relais.

Les Fouronnais francophones maintiennent la pression

Elle bénéficie des acquis de leurs prédécesseurs: le Centre sportif et culturel; l’école francophone et la ferme modèle de Fouron-Saint-Martin sont des points d’ancrage de la Culture française dans les Fourons, a rappelé Nico Droeven.

Mais il reste des revendications insatisfaites. Comme la ratification de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la protection des minorités linguistiques: cette ratification par la Belgique, membre du Conseil de l’Europe, est bloquée par la Flandre, qui refuse de reconnaître les 350000 francophones qui vivent sur son territoire comme une minorité linguistique à protéger.

Le «grignotage» des facilités linguistiques se poursuit, lui, insidieusement. Et la revendication récemment avancée par Voerbelangen, confronté à une dissidence en ses rangs, de donner le droit de vote aux citoyens européens pour l’élection des membres du CPAS, vise à restreindre encore le poids des francophones dans la gestion des affaires.

2024 sera une année électorale cruciale: fédérale, régionale et communale. Avec les «extrêmes» qui risquent de triompher en Flandre, a averti José Happart. Qui craint de voir l’existence de la Région bruxelloise remise en cause. Cette Région qui a vu le jour en 1988, notamment en contrepartie de son renoncement au mayorat de Fourons…

Restait à conclure la Fête. Traditionnellement au son du «Compagnon fouronnais» puis du «Valeureux Liégeois»!

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